Le retour sur le continent de la diaspora africaine occidentale est une tendance migratoire et sociologique couverte par la presse internationale depuis plusieurs années. Des articles très élogieux dépeignent les parcours et les portraits de jeunes africains talentueux racontant avec enthousiasme leur succès dans cette Afrique qui bouge. Les médias les appellent les « repats » en français, les « returnees » en anglais. Ces jeunes Africains à la reconquête de leur continent, sont dans cette position ambivalente : à la fois étrangers et enfants du pays. Dans le croisement de ces perspectives se placent, en parallèle mais sans contradiction, les raisons fondamentales du choix de ce voyage.
Ces dix dernières années ont vu le départ pour l’Afrique d’enfants issus de l’immigration africaine en Europe et dans le monde. Souvent nés dans les années 80, cette génération n’ayant pourtant connu que l’occident, a progressivement décidé de poser ses affaires sur la terre natale de leurs parents, rencontrée pour certains pour la première fois. A leurs côtés, se trouvent les masses étudiantes africaines, celles envoyées telles des lettres à la Poste, continuer leur parcours universitaire en occident, sans attendre un quelconque retour à l’envoyeur. Malgré cela, tous ont choisi de faire ce voyage vers l’Afrique. Comme les hirondelles volant vers les pays chauds en temps d’hiver, les « repats-returnees » ne seraient-ils tout simplement pas en quête de cieux plus cléments ?
Les années 2000 ont vu s’enchainer plusieurs chocs économiques en occident et dans le monde. Ces mutations ont fait bouger les lignes et accouché un certain nomadisme professionnel, faisant du jeu de la vie une compétition globale. L’Afrique se présente alors comme une terre d’opportunités comme les autres, chacun y avançant ses pions. A partir du milieu des années 2000, une nouvelle crispation du tissu social occidental interroge sans cesse ceux qui sont perçus comme persona non grata. Presque partout en Europe et en Amérique du nord, s’opère un virage à l’extrême droite très serré aussi bien en politique, dans les discours relayés par les médias que dans l’espace public. Les multiples plafonds de verre professionnels s’ajoutant aux crispations économiques et sociales, saupoudré de racisme ordinaire, donnent la sensation douce-amère d’être dans un endroit du monde avec des perspectives limitées.
En face, se dresse la redécouverte de l’héritage du panafricanisme et la fougue irrésistible des afro-optimistes. Hyper présents sur les réseaux sociaux, les premiers « rentrants » (comme on les appellent au Sénégal) racontent leurs histoires et commencent à inspirer leurs pairs. Les Africains de retour sur le continent sont en priorité à la recherche de cette capacité à s’étendre professionnellement et à se réaliser personnellement. Néanmoins, ces jeunes talents sont prêts à faire de l’Afrique un nouvel eldorado culturel. Beaucoup des « repats-returnees » veulent contribuer à l’avènement d’un monde qui leur ressemble : africain, fière et prospère, mais aussi plus juste et durable.
Et le plus dur reste à faire : y aller.
« Partir » signifie aussi faire ce basculement mental et changer de centre de gravité. C’est manifester la volonté de se projeter vers l’avant et se donner la force de s’élancer dans l’inconnu. « Rentrer » évoque le retour vers soi-même, physique ou matériel, un retour vers son confort et ses références. Que les Africains de la diaspora « partent » ou « rentrent » sur le continent, il faudra aller en Afrique comme on va ailleurs dans le monde. Il est important de prendre le temps de se renseigner, de suivre les parcours inspirants, de se tester dans les conditions locales. Cette préparation doit compléter la vision de la vie à laquelle on aspire. Il faudra aussi avoir l’humilité d’accepter que, en tant que « repats-returnees », personne ne nous attend, et que bien souvent, rien n’est promis.
Raison pour laquelle une phase d’adaptation est cruciale, et il est impératif d’avoir la sagesse de s’ajuster. Il faudra prendre le soin de comprendre à la fois les spécificités culturelles et fonctionnelles de l’Afrique, et d’accepter sa banalité : voici juste un endroit où vivent des êtres humains. Entre « partir » ou « rentrer », l’important est de vouloir y trouver sa place. Les départs se préparent, les retours aussi, mais « c’est l’arrivée qui compte » et cela constitue la clé d’un voyage réussi.
Marie-Ange NOUROUMBY, Chargée de communication, IFC.